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La petite histoire du Collectif KifKif

De la genèse au développement du Collectif

Pour comprendre l’histoire du Collectif KifKif, il faut faire un petit voyage dans le temps et revenir à le création de l’association Iris Formation, en 2001. Plus précisément, il faut faire connaissance avec Saïd Zamoussi, fondateur et actuel directeur d’Iris Formation, qui est aussi à l’initiative du Collectif KifKif.

De l’expérience migratoire à l’engagement associatif

Saïd Zamoussi est né et a grandit au Maroc, près de Casablanca. Arrivé en 1997 en Belgique avec un bac + 2 en littérature anglaise, c’est finalement en France, à Lille, qu’il s’installe un an plus tard. Il reprend alors des études en psychologie du travail au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et se passionne pour cette discipline. C’est au moment de la recherche d’un emploi à hauteur de ses qualifications que débutent pour lui les années de galère. Malgré ses compétences et ses diverses expériences, malgré des entretiens réussis, son embauche se trouve bloquée sans raison valable à plusieurs reprises.

Peu à peu, un douloureux processus de conscientisation s’enclenche, l’amenant à considérer le rôle de son origine marocaine dans ses difficultés d’insertion. À la même période, Saïd fréquente régulièrement un cyber-café du quartier de Wazemmes où il réside. Là, tout naturellement, il se met à aider les autres personnes dans leurs démarches administratives et professionnelles, souvent des primo-arrivants qui traversent les mêmes épreuves que lui quelques années auparavant.

2001, naissance
d’Iris Formation

Saïd change alors complètement de posture quant à sa recherche d’emploi : décidé à prendre les choses en main et guidé par le besoin d’être utile aux autres, il décide de créer une association à travers laquelle professionnaliser l’accompagnement à l’insertion qu’il effectue déjà de manière informelle : Iris Formation voit le jour en 2001.

D’abord positionnée sur des chantiers d’insertion via une activité horticole (d’où le nom Iris Formation !), l’association se tourne finalement vers l’accompagnement des demandeurs et demandeuses d’emploi habitant·e·s des quartiers prioritaires.

Encore et toujours
le même problème…

Si les résultats et la satisfaction des bénéficiaires comme des partenaires sont au rendez-vous, Saïd constate qu’il retombe encore et toujours sur un même problème : le traitement inégal dont pâtissent les personnes d’origine étrangère dans les domaines de l’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement et même aux loisirs. Pire, Saïd constate que les effets de ces discriminations sont nombreux et parfois insidieux : auto-dévalorisation, repli sur soi, défaitisme et renoncement.

Il décide qu’il est temps d’agir plus directement sur cette question des pratiques discriminatoires. Son idée ? Créer un groupe de travail réunissant citoyen·nes, acteurs et actrices du monde associatif et institutionnel·les pour réfléchir à des actions visant à soutenir, notamment sur le plan psychologique, les victimes de discrimination.

Du groupe de travail sur les discriminations à la naissance du Collectif KifKif

Le 3 avril 2008, le premier « groupe de travail » dédié à la question des discriminations s’est réuni dans les locaux d’Iris Formation. Plusieurs associations lilloises sont présentes ainsi que la Maison de le Médiation et du citoyen. Cette réunion permet de partager un constat de départ : malgré une volonté affichée de faire de le lutte contre les discriminations une priorité nationale, les témoignages décrivant des pratiques de discrimination liées à l’origine perdurent.

Le groupe de travail se réunira de manière bimestrielle pendant plusieurs années jusqu’à se formaliser et trouver son nom en 2012. Au fil de ces années préparatoires, c’est aussi la manière de faire du Collectif qui s’affirme : rassembler les partenaires autour de cette cause commune, co-construire les actions le plus possibles, toujours mobiliser et impliquer les personnes directement concernées. Unir les forces et favoriser les alliances reste aujourd’hui encore le leitmotiv du Collectif.

2012 est aussi l’année d’arrivée de Marie-Chantal Zingiro, première salariée dédiée au Collectif qui aura pour mission d’accompagner les victimes et les témoins de discrimination, mais aussi de donner de la visibilité au collectif, notamment via un travail de communication auprès des partenaires et de la presse locale.

Accueillir, accompagner, tester, mesurer, sensibiliser : le Collectif sur tous les fronts

Dès 2013, le Collectif diversifie ses activités et ses entrées sur la question des discriminations, et notamment le volet prévention. Cela démarre d’un partenariat avec l’ACSÉ qui met entre les mains du Collectif l’exposition « Égalité, parlons-en ». Décidée à ne pas laisser cet outil au placard, Marie-Chantal développe peu à peu des interventions auprès des enfants et des adolescent·es, notamment en milieu scolaire. Au fil des années, le Collectif va multiplier les outils et supports d’intervention. Il va aussi développer une programmation artistique, culturelle et pédagogique à travers « Oser la différence ! », une semaine événementielle réalisée chaque année au mois de mars à partir de 2016 et soutenue par la DILCRAH.

« Paroles de discriminé·es »

une recherche-action qui fait date dans l’histoire du Collectif

« Parole de disciminé·es » est une recherche-action menée en 2018 afin de permettre aux victimes de discrimination de déposer leur parole et de s’investir dans un projet en lien avec leur parcours. Il s’agissait notamment de mener des entretiens sur les effets psycho-sociaux des discriminations auprès d’autres victimes. Valoriser ces personnes et leur permettre d’agir collectivement pour conscientiser et dépasser leur vécu, est aux yeux du Collectif un pas très important vers la réparation et l’émancipation.

Pour l’équipe mobilisée sur le projet, cette action a été l’une des plus grande réussite du Collectif, comme nous l’explique Marie-Chantal :

« L’objectif était de libérer la parole des premiers et premières concerné·es et de développer leur pouvoir d’agir. J’ai particulièrement apprécié la démarche qui se voulait collective, inclusive et pérenne à la fois. Chaque participant a donné du sien, en est sorti grandi et fier. L’impact fut 100% positif et visible, plusieurs d’entre nous ont rebondi dans leur parcours de vie professionnelle, personnelle. »

B
« Paroles de discrimé·es », 2018 – durée 10 min. -. Réalisation et montage vidéo : Nouveil Œil Production (NOP).

Prochains défis pour le Collectif : développer la formation et le maillage territorial

Après 10 années d’activité, le Collectif est loin d’en avoir terminé avec la thématique des discriminations ! Tout en poursuivant les activités locales déjà bien ancrées dans l’histoire de l’association, le Collectif travaille depuis 2021 à développer un axe formation afin de pouvoir transmettre son expertise d’usage, ses connaissances des phénomènes discriminatoires et son savoir-faire en termes d’accueil des victimes. L’idée est ensuite de faire réseau, c’est-à-dire de mailler les structures formées à la question des discriminations à l’échelle régionale voire nationale.

 

Les enjeux humains au cœur de l’action du Collectif

À terme, le souhait de Saïd Zamoussi et de son équipe est clair :

« Nous devons encore nous battre localement pour stabiliser l’association et ses financements. Mais nous souhaitons avoir les moyens de partager notre expérience et de cheminer avec celles et ceux qui commencent à travailler sur la thématique des discriminations, afin d’aider le plus de personnes possible, sur le plus de territoires possible.

Notre objectif est de favoriser une forme de réhabilitation anthropologique des victimes, blessées dans leur amour-propre, et ainsi de limiter l’impact destructeur des discriminations. Il faut absolument restaurer la dignité des personnes. »

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